
Titre : Habibi
Auteur : Craig Thompson
Éditions : Casterman
Publication : 26 Mai 2021 (mon édition)
Genre : Bande-Dessinée Contemporaine
Thèmes : Esclavagisme, Féminisme, Famille, Moyen Orient, Survie, Climat…
Pages : 664
Prix : 10€
Résumé :
Vendue à un scribe alors qu’elle vient tout juste de quitter l’enfance, puis éduquée par celui-ci, une très jeune femme voit son mari assassiné sous ses yeux par des voleurs. Elle parvient pourtant à leur échapper et trouve refuge sur une improbable épave de bateau échoué en plein désert, en compagnie d’un enfant nommé Habibi.
Ensemble, dans des décors souvent nimbés de magie, ils vont grandir et vivre leur vie au sein de cet étrange endroit, en s’efforçant autant que possible de se protéger de la violence et de la dureté du monde, au rythme des contes, histoires, mythes et légendes racontés par la jeune femme…
Mon avis :
Plongée époustouflante au sein de graphismes aux partis pris forts, « Habibi » est une oeuvre graphique dont je n’ai trouvé aucun équivalent à ce jour. Riche tant dans la narration, dans les références que dans les graphismes, cette Bandde-Dessinée offre une lecture sans limite, empreinte de facettes aussi affirmées et complémentaires que différentes.

« Habibi » évolue sur plusieurs temporalités, plans et raconte l’histoire d’une jeune fille vendue à un scribe alors qu’elle vient tout juste de quitter l’enfance. Éduquée par cet homme, Dodola grandit à travers son apprentissage des mots. Seulement, un jour des voleurs pénètrent chez eux. La jeune femme est enlevée à la suite de l’assassinat de son mari. Héroïne pleine de ressource, elle parvient à s’enfuir et se réfugie sur une épave de bateau au coeur du désert, en compagnie d’un enfant nommé Habibi. Frères et soeur dans la survie, les deux jeunes personnages tentent tant bien que mal de se protéger de la violence du monde dont ils ont déjà fait les frais. Seuls les contes, histoires, mythes et légendes narrés par la jeune femme, parviennent à éloigner l’horrible nature des hommes, de leur cocon. Mais la réalité, aussi triste soit-elle, fini toujours par refaire surface… Nous suivons alors tour à tour la vie de chacun des personnages, rapidement séparés, malgré un amour non-dit.

De cette BD se dégage la sagesse d’un récit qui parvient à mêler des histoires hors du temps ainsi que des réalités ancestrales, à des questionnements plus contemporains, avec une justesse presque déstabilisante. À la croisée d’un onirisme envoutant et d’une trivialité déconcertante, cette lecture offre une dualité forte où la sensualité revêt le symbole de souillure. Aussi, « Habibi » met en avant le dessin d’une féminité écrasée par les désirs masculin, parvenant autant me glacer que me faire rêver !
C’est à travers des illustrations d’ombres et de lumières, tout en noir et blanc, que Craig Thompson retranscrit avec poésie la sensualité des mots, des légendes et des corps. Parallèles inattendus mais pourtant évident au sein des pages de ce livre, les symboles et les références religieuses se croisent, encadrant les illustrations et questionnant le rapport textes / images, trop souvent écrasé et oublié dans les narrations graphiques.

La douce référence au Petit Prince qui se dessine, peut-être inconsciemment, sur quelques planche à finie de me convaincre de la portée tant universelle que personnelle qu’offre cette BD. Car bien plus qu’un simple questionnement sur la place de la femme et de l’amour dans un monde guidé par une gente masculine empreinte d’une trivialité inquiétante, ce livre questionne aussi le traumatisme sexuel. Le sujet tabou s’empare du récit et se révèle être le questionnement central de l’oeuvre aussi riche soit-elle. Abordé sous de nombreuses facettes, le traumatisme revêt alors une robe singulière, qui déploie avec intelligence des questionnements multiples et peu conventionnels.
Pour en revenir aux graphismes, je ressors époustouflée par l’oeuvre de Craig Thompson. Les mots deviennent images, s’imprégnant alors d’un passé et d’une culture qui aurait pu largement dépasser les compétences de narration visuelle de l’auteur. Or, Craig Thompson fait preuve d’une grande maitrise et connaissance, imposant au lecteur une lecture visuellement riche et surtout terriblement forte, car empreinte d’histoires millénaires et de références visuelles hors du temps. Difficile de poser des mots sur l’intégralité d’une oeuvre de 700 pages qui à su m’emporter et me surprendre. Chaque planche est une découverte et un renouveau, invoquant à juste titre les mythes et légendes qui bercent des sociétés entières.
Une lecture à ne pas manquer, à expérimenter lorsque l’on s’y sent prêt. Car la douceur et l’onirisme ne sont pas les seuls choses à bercer cette histoire…
Hello Chloé ! C est très drôle que tu sorte ta chronique je l attendais avec impatiente .En effet dans ton dernier TAG à la fin tu nous a montré tout tes livres lu et je l ai vu entre de autres .Il m a tout de suite fait envie !!!!!
Je viens de lire la chronique :
Je crois qu elle fait partie de tes meilleures, cela me donne bien envie de l acheter !
Bisous
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Magnifique avis Chloé ! J’avais hésité à le prendre et j’aurais du quand je vois ta chronique ! Ça avait l’air très particulier et je n’étais pas sûre d’accrocher (et on ne peut pas tout acheter 😅). Les planches que tu as sélectionnées sont sublimes et ton avis très poétique comme toujours donne vraiment envie !
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