Une plaidoirie pour la liberté d’expression par Richard Malka dans « Le droit d’emmerder Dieu »

Titre : Le droit d’emmerder Dieu

Auteur : Richard Malka

Éditions : Grasset

Publication : 22 Septembre 2021

Genre : Essai, Discours, Plaidoirie

Thèmes : Liberté d’expression, Charlie Hebdo, Procès

Pages : 96

Prix : 10€


Résumé :

« C’est à nous, et à nous seuls, qu’il revient de réfléchir, d’analyser et de prendre des risques pour rester libres. Libres de nous engager et d’être ce que nous voulons. C’est à nous, et à personne d’autre, qu’il revient de trouver les mots, de les prononcer, de les écrire avec force, pour couvrir le son des couteaux sous nos gorges.
À nous de rire, de dessiner, d’aimer, de jouir de nos libertés, de vivre la tête haute, face à des fanatiques qui voudraient nous imposer leur monde de névroses et de frustration – en coproduction avec des universitaires gavés de communautarisme anglo-saxon et des intellectuels qui sont les héritiers de ceux qui ont soutenu parmi les pires dictateurs du XXe siècle, de Staline à Pol Pot. »

Ainsi plaide Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo, lors du procès des attentats de janvier 2015. Procès intellectuel, procès historique, au cours duquel l’auteur retrace, avec puissance, le cheminement souterrain et idéologique du Mal. Chaque mot pèse. Chaque mot frappe. Ou apporte la douceur, évoquant les noms des disparus, des amis, leurs plumes, leurs pinceaux, leur distance ironique et tendre.
Bien plus qu’une plaidoirie, un éloge de la vie libre, joyeuse et éclairée.


Mon avis :

Écrit pour être porté de vive voix lors du procès des attentats de janvier 2015, cet essai aujourd’hui intitulé « Le droit d’emmerder Dieu » offre des mots puissants pour dire la liberté. Ce sont 96 pages qui transcrivent l’intégralité de la plaidoirie de Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo, à travers lesquelles sont reporté les événements qui ont conduit à l’avènement de ce tragique événement.

Richard Malka use de cet écrit, ce texte aussi passionnant qu’érudit, pour revenir sur le sens du procès et ses enjeux. Il questionne par extension ce que représentent les crimes perpétués, mais surtout, il intervient sur la nécessité de comprendre ; comprendre la diversité, l’Autre, la liberté et plusieurs thématiques tout aussi évocatrices quand on repense aux attentats de l’Hyper Casher et de Charlie Hebdo…

Richard Malka s’empare alors des mots pour transmettre un regard aussi dénonciateur qu’emplit d’espoir. L’avocat dessine, en partie et avec énergie, la carte de toutes celles et ceux qui ont remis en question la liberté d’expression, et particulièrement celle liée à la caricatures des idées et des croyances. Pointant du doigt certaines personnalités politiques ou encore intellectuelles qui ont abandonné l’essence d’un pays. Il donne des noms et s’attèle à rappeler l’attitude terrible de celles et ceux qui se sont avérés être aussi lâches qu’opportunistes. Ces extraits, nombreux dans le texte, ne sont malheureusement pas les plus abordables. Convoquant une culture générale riche, les références citées interpellent. Mais, elles sont loin de représenter un obstacle pour tous les lecteurs qui ne saisiraient pas leurs portées et toutes les nuances politiques qu’elles évoquent.

Richard Malka ne dit pas le désarroi face aux attentats, comme tant d’autres l’ont fait avant lui, il ne questionne pas la légitimité des caricatures qui ont tant coutées à Charlie Hebdo. Il cherche à retracer l’histoire d’un pays mut par sa liberté, durement acquise. Il transcrit avec intelligence et méthode les valeurs soutenues et portées par l’hebdomadaire si souvent pointé du doigt.

Il m’est impossible de trouver les mots juste pour dire l’importance de cette plaidoirie qui illustre le combat contre l’obscurantisme avec une force poignante. Je ne pourrais pas non plus vous dire ce que j’ai pensé de cet essai qui évoque les disparus, bien que ce soit un écrit aussi instructif, émouvant que complexe. Il est encore moins possible d’émettre un jugement sur ce que Richard Malka transcrit ici par ces mots. Face aux enjeux que représentent ce procès intellectuel, historique, face à l’idéologie du Mal, seul les mots de l’auteur, avocat de Charlie Hebdo, retranscrits à l’écrit, peuvent rendre justice à un texte aussi condensé, court et percutant que celui-ci.

Alors plutôt que de continuer à paraphraser les propos de Richard Malka pour tenter de retranscrire sa pensée et sa plaidoirie, j’ai décidé de vous partager quelques extraits qui ont marqué ma lecture.

« Et en 1791, les révolutionnaires vont supprimer le délit de blasphème du code pénal.
Pourtant, deux cent vingt-quatre ans plus tard, Cabu est mort d’avoir blasphémé ! »

« Non, les religions ne sont pas faites que de paix et d’amour, elles sont ce que les hommes en font. »

« La liberté de critique des idées et des croyances, c’est le verrou qui garde en cage le monstre du totalitarisme. »

« Les croyances ne peuvent jamais exiger le respect. Seules les hommes y ont droit. Aucune croyance, aucune idée, aucune opinion ne peut exiger de ne pas être débattue, critiquée, caricaturée. Parce qu’à défaut, on n’accepterait plus de vivre qu’entre personnes pensant la même chose. Et tout débat, toute controverse serait estimée « offensante ». C’est le chemin de l’obscurantisme. Les idées, ça se confronte et ça se débat. »

« A chaque fois, ce qui est critiqué [par Charlie Hebdo], c’est le fanatisme religieux, pas la religion en elle-même. Ce n’est jamais gratuit. Autrement dit, ce que l’on nous demande, c’est d’abandonner le droit de nous moquer du fanatisme. On ne peut pas renoncer. Ce serait récompenser le vice, honorer la supercherie, célébrer l’infamie. »

« Il n’y a pas de salut dans la lâcheté. J’espère que nous ne serons pas la génération qui aura tourné le dos à son histoire et à son avenir. »

« On dirait que certains blancs croient dur comme fer qu’être accusé de racisme est bien pire que le racisme lui-même »

Ces quelques extraits ne représentent qu’une mince facette de cet essai. Pour en saisir la portée, il faut le lire, l’offrir et l’interroger pour tenter de comprendre ce que ce procès représente…

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