« Open Water », un roman d’amour introspectif sur la condition noire et la masculinité

Titre : Open Water

Auteur : Caleb Azumah Nelson

Éditions : Denoël

Publication : 24 août 2022

Genre : Romance Contemporaine

Thèmes : Condition noire, amour, violence, racisme, art, musique

Pages : 208

Prix : 19€


Résumé :

Deux jeunes gens se cherchent du regard dans un pub londonien, échangent quelques mots, se revoient. Lui tente de percer dans la photographie, elle est danseuse. Ils partagent la même ambition, les mêmes blessures et bientôt un amour aussi fusionnel que tendre.
Open Water raconte ce que c’est d’être noir dans une ville qui tantôt vous acclame, tantôt vous rejette. Une ville où l’on vous regarde plutôt que l’on vous voit. Le racisme insidieux qui abîme et la peur qui étreint lorsqu’on sort de chez soi. La violence à laquelle on ne peut échapper et l’amour qui n’y résiste pas.


Mon avis :

Comment s’aimer dans un monde régit par la haine de l’autre ?

Écrit introspectif sur la condition noire, « Open Water » est un roman d’amour envoutant par son réalisme, sa poésie et sa singularité. Il y est dépeint une histoire d’amour lyrique et moderne, mais aussi l’insécurité et la vulnérabilité d’un homme noir au coeur de Londres. « Open Water » est un texte vibrant, ponctué de sentiments indicibles mais universels. Un véritable coup de coeur, unique, remarquable.

Une rencontre fortuite, des regards et quelques mots avant de se revoir. Ils sont deux jeunes artistes noirs londonien : elle est danseuse et étudiante à Dublin, lui, le narrateur, est photographe. Ils ne parviennent pas à trouver leur place. Comme une évidence, ils tombent amoureux, de façon provisoire. Naît alors une idylle aussi platonique que romantique, mise à mal par la violence et la vulnérabilité impliquée par leur couleur de peau. Car face au racisme insidieux et à la violence à laquelle ils ne semblent pouvoir échapper, même les sentiments les plus forts s’effritent…

Modulé par les questionnements introspectifs du narrateur, le roman met en exergue l’intensité et l’impact de l’identité noire au sein d’une société post-coloniale. Narrée à la deuxième personne du singulier, cette histoire immersive porte la douleur des réflexions du narrateur. Déchiré par la peur et l’insécurité, il y dépeint néanmoins un sentiment amoureux d’une grande subtilité.

« Open Water » est un premier roman intense et poétique, qui s’inscrit dans les questionnements identitaires contemporains. C’est indéniablement un écrit subtil et marquant, sur l’identité noir, la masculinité et le premier amour. Une lecture à ne pas manquer pour sa force de frappe et la complexité des sentiments qui y sont partagés.


« Vous passez la soirée ensemble à ne rien faire, ce qui est quelque chose, une preuve d’intimité. Ne rien faire avec quelqu’un, c’est lui faire confiance, et faire confiance, c’est aimer. »

« C’est comme si vous aviez plongé en pleine mer, et que vous aviez refait surface ailleurs. c’est comme si vous aviez formé des attaches pour qu’elles se fracturent, jusqu’au point de rupture. C’est un douleur que tu n’as jamais connue et que tu ne sais pas. nommer. C’est terrifiant. Et pourtant, tu savais dans quoi tu t’engageais. Tu sais qu’aimer c’est à la fois nager et se noyer. Tu sais qu’aimer c’est être entier, partial, une attache, une fracture, un coeur, un os. C’est saigner et guérir. C’est faire partie e ce monde honnête. C’est installer quelqu’un près de ton coeur battant dans l’obscurité absolue de tes entrailles er avoir confiance dans le fait que l’autre te serrera fort. Aimer, c’est faire confiance, c’est avoir foi en l’autre. Comment pourrait-on aimer autrement ? Tub savais dans quoi tu t’engageais, pourtant reprendre le métro et rentrer chez toi sans savoir dans combien de temps tu la reverras c’est terrifiant. »

« Le barmaid vous regarde, deux idiots très à l’aise qui rigolent, et votre joie la réconforte. Elle sert des doses généreuses, dépasse les limites, et elle vous adresse un signe, un sourire, petite reconnaissance. Tu regardes autour de toi et tu te rappelles qu’être vu, ce n’est pas rien. »

« Tu as commencé à lire de cette voix claire qui, d’après toi, ressemble à celle d’un vieil ami qui vous raconte une histoire. Tu as commencé à lire, et tu as été ramené à cet instant où la vidéo avait surgi après avoir traversé l’Atlantique sur le solide vaisseau de l’Internet. Cet instant où son corps s’est effondré, où il est tombé à quatre pattes, on aurait dit qu’il rampait. Ta voix vacille parce que tu luttes contre le poids de la réalité que tu évoques. Tu es en colère, aussi, parce que les policiers , comme dans la vidéo, se font un signe dès qu’ils voient un objets dans la main d’un jeune homme noir, et que l’un d’eux crie : « Arme, arme, arme ! », et puis qu’ils vident tous les deux leur chargeur, vingts coups de feu en tout.« 

« Vous finissez l’été en vous demandant comment il est possible que quelqu’un vous manque avant qu’il soit parti. »

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